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La conscience ordinaire ou un état modifié de la Conscience
Ce sujet fascinant et complexe en même temps. Il y a tant à dire. Et notre cheminement d’humain n’en ait qu’au balbutiement, ou tout du moins à un passage clef de notre évolution.
Depuis longtemps déjà, je m’interroge lorsque nous parlons d’état modifié de conscience. De quelle conscience parlons-nous ? Qu’est-ce qui est modifié au juste ?
Des pratiques diverses nous montrent qu’en élargissant notre état de conscience du quotidien, nous accédons à un champ d’informations qui dépassent celui à notre portée d’ordinaire.
Certains chercheurs des sciences contemporaines évoquent peu à peu que la conscience humaine est bien plus vaste que nous ne l’imaginons. Et par là, confirment ce que les traditions spirituelles dans toutes les cultures évoquent depuis des millénaires.
« La physique de la conscience montre que grâce au progrès de la physique moderne, une nouvelle vision du monde […] s’impose en permettant à l’humain de retrouver l’immense potentiel de sa conscience »
Philippe GUILLEMANT – Le Grand Virage de l’Humanité
Ce sujet touche la nature profonde de notre Etre et de l’Univers, une dimension qui dépasse la dimension matérielle tout en l’intégrant. Il pose la question de ce pour quoi nous sommes là… et invite à un changement de paradigme pour tendre vers notre véritable nature.
Quand la science rejoint la spiritualité…
Notre société occidentale et les sciences classiques a mis longtemps l’accent sur la dimension matérialiste appréhendant notre Etre que comme une mécanique biologique complexe dans laquelle l’activité neuronale génèrerait la conscience.
Or nous savons aujourd’hui par de nombreuses observations et études cliniques que la conscience peut fonctionner indépendamment du cerveau et de la matière : les expériences de mort imminentes notamment… Donc quelque chose est déjà là, présent, immatérielle, qui nous anime et reste au-delà de notre temporalité et de la matière.
Aujourd’hui les sciences quantiques et l’épigénétique sont en train de démontrer qu’une forme subtile de Conscience, la conscience cosmique ou intelligence cosmique, est à l’œuvre dans l’Univers, immatérielle, non manifestée et à l’origine de tout ce qui se manifeste. Pour ces nouvelles théories, rien n’est solide dans l’univers et que toute particule vivante est d’abord et avant tout information et vibrations. Elles démontrent que l’information précède la matière. Cette conscience cosmique véhicule son information par vibrations pour prendre forme et se transforme de manière fractale de l’infiniment petit à l’infiniment grand. C’est la Conscience qui informe la matière. La matière est donc la forme densifiée de l’information et de ce fait de la Conscience.
Par ailleurs, ces théories démontrent que tout est interconnecté à l’échelle de l’Univers jusque dans toutes les plus petites particules du vivant manifesté. Et que la matière nait du processus de boucle rétroactive (qui a une action sur le passé) de l’information donc de la Conscience, ou de retour sur soi de l’information pour se tranformer et se manifester…
« au final, c’est quoi la conscience ? C’est un processus de connaissance de soi, une capacité de faire un retour sur soi-même. C’est donc un processus de boucle rétroactive de l’information. Et mes découvertes montrent que la matière nait fondamentalement de ce mouvement rétroactif de l’information. A partir de là, l’univers interconnecté et conscient, fabrique de la complexité et finalement l’humanité. »
Nassim HARAMEIN – Entretien sur INREES
Enfin, elles rejoignent ce que les traditions évoquent, notamment au travers des textes védiques, que nous, humains, sommes une part et partie prenante de cette Conscience Cosmique. Nos pensées, nos états d’âmes, notre façon d’agir, d’être sont autant d’informations vibratoires que nous émettons dans notre univers de l’intérieur vers l’extérieur influençant notre environnement immédiat au plus lointain : l’épigénétique le démontre avec l’impact de ces informations sur notre ADN.
La conscience, c’est la connaissance
Comment la définir sans la réduire puisque nous touchons une dimension impalpable, immatérielle qui s’inscrit à la fois dans notre espace – temps et tout en même temps hors de tout espace – temps, dans lequel les lignes de l’espace et du temps se confondent et dans lequel le temps n’est plus linéaire : passé, présent et futur se confondent ?
Sur le plan de l’étymologie, le mot conscience vient de conscientas, cum, avec et scientas, connaissance : avec la connaissance (Universalis) ou « conscience en commun » ou « claire connaissance qu’on a au fond de soi-même » (cf. CNTRL – centre national des ressources textuelles et lexicales). Le latin consciens signifie « qui sait avec soi-même », cum, avec et conscire, savoir.
Intéressant !
Pour Henry EY, psychiatre et neurologue : « la conscience nous ouvre les portes de notre propre connaissance. »
Nous naissons avec toute la connaissance
L’Univers est en nous et nous sommes l’Univers selon les textes védiques. Nous portons en nous toute la mémoire de l’Univers. Celle de tous les règnes minéraux, végétaux, animaux et humains, l’histoire de l’humanité. Toutes les mémoires archétypales de l’humanité : nous sommes reliés aux symboles universels qui vont se manifester d’une manière subtile dans nos symptômes, dans nos rêves ou dans des états élargis de conscience… Toutes les informations récoltées des incarnations antérieures, des initiations de notre âme comme le montrent les travaux de recherche notamment de Ian Stevenson, Psychiatre. Et la mémoire des phénomènes telluriques et cosmiques, astronomiques, ainsi que tout le champ informationnel cosmique. Jung et Grof en parlent dans leurs travaux.
Nous naissons avec toute la connaissance. Notre corps en garde la mémoire physiologique et subtile. Mais nous oublions. Cela ne nous positionne pas au-dessus de mêlée. Cela nous donne une responsabilité individuelle et collective : c’est-à-dire la capacité à apporter des réponses – response able.
Notre origine et notre vocation
L’approche matérialiste occulte et nous coupe ainsi toutes les dimensions plus subtiles, non palpables avec nos organes sensoriels physiques, de notre être et de ce qui nous entoure. A l’image, me semble-t-il, de ce qui se joue en chacun de nous, dans notre conscience ordinaire. De quoi sommes-nous coupés ?
Nous avons évincé la dimension spirituelle de notre univers et de notre psychisme humain. Nous avons oublié que nous sommes des êtres spirituels qui faisons l’expérience de la vie humaine, ombre et lumière, dans la matière.
Teilhard de Chardin, paléontologue et phylosophe : « Nous ne sommes pas des êtres humains qui expérimentent la spiritualité, nous sommes des êtres spirituels qui expérimentent l’humanité » (1975)
Les traditions évoquent cette dimension, au cœur même de l’être humain. Notre Âme est la Divinité en nous, reliée au Tout. Cela nous renvoie à la multidimensionnalité de notre être à l’instar de l’Univers : corps – âme – Esprit, constitué de différents corps subtils ou plans de conscience qui sont autant de fréquences vibratoires les plus basses aux plus élevés. Nous sommes donc bien plus vastes que nous ne l’imaginons.
En d’autres mots, l’Esprit prend forme dans l’Âme qui prend chair dans le corps. Nous sommes une étincelle de la Conscience qui demande à s’incarner et faire l’expérience d’Elle-même à travers notre Humanité de manière singulière et unique en chacun. Didier Anzieux dans Le Penser – du mot peau au moi pensant, écrit : « On peut esquisser une topique subjective qui est en position d’infrastructure par rapport à celle de Freud (ça, moi, surmoi). Au départ, ou au centre, existerait un soi psychique primaire inné, non encore investi libidinalement (énergie psychique vitale relié à la sexualité au sens large, énergie de vie, d’amour), non encore structuré, mais doté des sentiments d’illimité et d’unicité. Puis viendrait le moi corporel, acquis au cours des expériences de plaisir, et surtout de douleur, et à l’occasion de l’investissement pulsionnel du développement sensori-moteur que le mystique désinvestit dans l’ascèse. » Auquel il rajoute la construction du moi psychique doté de sentiments d’identité et de continuités puis un soi secondaire acquis qui fournirait le sentiment d’unité du moi psychique et du moi corporel (le premier enrobe sa résidence dans le second).
La conscience ordinaire, une part de la réalité
Notre conscience ordinaire est celle des perceptions que nous nous construisons pour nous maintenir en conformité avec le groupe et l’espace-temps auquel nous nous référons, auquel nous sommes identifiés… La réalité ordinaire n’est de ce fait qu’une construction à partir de nos représentations inconscientes de nous-mêmes et du monde héritées des informations que nous avons engrammées dès la conception et la vie intra-utérine. Comme un réflexe de conditionnements.
En conséquence, une variation, même légère, de nos perceptions, dans l’une des réponses à la triple question de l’identité, l’espace et le temps par rapport à la réalité partagée par le groupe, suggérera la présence d’un état modifié de conscience comme l’évoque Georges Lapassade.
Pourtant d’autres conceptions de la réalité existent. Pour le Shuars, un peuple d’indiens Jivaros de la forêt amazonienne, la réalité ordinaire est mensongère. La vraie réalité se trouve ailleurs, là où évoluent les Arutam, les âmes des ancêtres, là où règne l’Esprit du Grand Tout. Cet esprit s’adresse à eux dans leurs rêves et dans les états modifiés de conscience que leur procurent les plantes qu’il a mis à leur disposition. Grâce à elles, parfois avec l’intercession du chamane, ils parviennent à décrypter le sens profond de la vraie réalité, sans crainte de laisser libre cours à leurs émotions.
Dans les traditions védiques, dont sont issues l’Ayurvéda, l’Hindouisme, le Bouddhisme, notamment, une réalité ultime dépasse la réalité ordinaire à laquelle nous avons accès avec notre conscience égotique. Notre réalité ordinaire, Maya, est une illusion. La vacuité est la réalité ultime : un espace rempli de toute la connaissance. L’élargissement de conscience, par diverses pratiques de méditations, de postures psychocorporelles, de respirations, consiste à le comprendre et à en faire l’expérience qui est le sens de la Conscience, pour le transcender, passer son voile, et réaliser que Atman, le Soi, et Brahman ne font qu’un.
Notre conscience ordinaire est limité aux identifications de notre Moi
Dans notre chemin terrestre, notre construction psychique se constitue d’enveloppes psychiques qui engramment dans nos corps toutes les transmissions de vie. Des héritages culturels de la terre sur laquelle nous nous incarnons, du groupe social, religieux ou philosophiques, de l’histoire régionale et nationale aux héritages, les croyances, injonctions fixations de nos lignées familiales. Mais aussi tous les éléments qui nous sont propres, que nous avons appris en lien avec notre vécu, notre expérience individuelle : des règles de vie en société et d’interdits qui préservent la Vie à tous nos désirs refoulés, en passant par tous les mécanismes de défense que nous avons mis en place dès notre naissance pour mieux faire face à notre environnement, pour éviter l’angoisse et le déplaisir.
La majeure partie de notre vie psychique est régie par la sphère inconsciente de notre conscience. Ces filtres constituent comme des cuirasses, une armure qui crée des confusions et déforme notre représentation de nous-même, notre véritable identité et celle de notre monde. Ils nous insensibilisent et nous coupent de l’énergie de vie qui nous anime, de qui nous sommes à l’instar des chevaliers en armure qui font plus confiance en leur armure, donc font plus confiance à ce qui a été mis sur eux ou qu’ils se sont construits pour se protéger. A la différence des guerriers sans armure qui s’appuie sur la force de l’autre pour la retourner contre lui-même, donc font confiance en leur sécurité intérieure, conscient que leur force réside dans leur axe et non dans l’autre. Etre ancré à son axe, s’enraciner pour s’élever.
Notre moi vit ainsi au travers d’identification à des représentations inconscientes et de répétitions d’histoires qui ne sont pas celle de notre Être profond. Il
est conditionné, se croit séparé, clivé. Non guéri, il est souvent en dysharmonie avec notre vrai nature. Il enferme, étrique notre corps spirituel, empêchant la lumière, le Prâna, le Chi de circuler et la Vie, la Conscience de faire son œuvre.
Ainsi notre conscience ordinaire semble donc être limitée. Les cuirasses psychiques l’enferment souvent dans les illusions et les conditionnements hérités des passés qui nous voilent l’accès à une représentation plus subtile de nous-même, notre inné, du monde et de notre plein potentiel de vie.
« ….l’homme est devenu la proie de
l’inconscience. Alors que la tâche majeure de l’homme devrait être, tout au
contraire, de prendre conscience de ce qui, provenant de l’inconscient, se
presse et s’impose à lui, au lieu de rester inconscient ou de s’y identifier.
Car dans les cas, il est infidèle à sa vocation, qui est de créer de la
conscience. Pour autant que nous soyons à même de le discerner, le seul
sens d l’existence humaine est d’allumer une lumière dans les ténèbres de
l’être pur et simple. Il y a même lieu de supposer que, tout comme
l’inconscient agit sur nous, l’accroissement de notre conscience a, de même,
une action en retour sur l’inconscient »
CG JUNG – Souvenirs, rêves et pensées
Un chemin d’ascension nécessaire pour accéder la Conscience
Pour autant, notre moi, notre ego n’a pas à être détruit. Il a besoin d’être reconnu, d’être raboté et harmonisé pour révéler la véritable nature de notre Être. Tant que nous sommes identifiés à nos conditionnements inconscients, ce sont ces mécanismes – là qui pilotent nos perceptions et notre rapport au monde, au réel.
Quand le moi sort des identifications fantasmatiques, des enfermements, nous accédons à d’autres champs d’informations, la conscience se révèle. Il s’agit bien de mourir aux illusions de notre petit moi afin de s’élèver sur un autre plan : devenir Soi, le sujet de Lacan, un vaste sujet car il n’y a de sujet que de l’inconscient… C’est le retournement intérieur qui nous conduit à traverser les couches de notre inconscient, à de ce fait, rendre conscient notre inconscient pour dévoiler qui nous sommes.
Cela suppose de se mettre en présence et d’entrer dans sa matière, son corps, le ressentir vibrer et nous parler, il est notre boussole et notre véhicule. C’est reconnaitre ce qui nous anime, ce qui nous met en vie et ce qui nous blesse, pour sortir de la guerre intérieure que nous projetons souvent sur le monde, les autres, la nature pour le transformer. C’est élargir sa conscience pour parvenir à la totalité de Soi SANS recréer une nouvelle autorité dogmatique intérieure.
En nous désidentifiant de nos fantasmes et de nos conditionnements, nous nous mettons en métaposition, et nous devenons Présent à ce qui nous anime ou nous identifions à la Présence – Conscience qui sait et transforme.
Ce faisant, nous changeons ainsi de fréquences vibratoires, nous élevant notre mental ou corps mental vers son degré supérieur relié à l’âme, ainsi vers des plans de vibrations plus lumineux, et guérisseurs. Notre médecin intérieur peut agir. Nous sortons de l’aveuglement.
Devenir Soi – Atman dans l’Hindouisme – suppose de se désidentifier de toutes nos croyances, nos blessures, nos héritages des passés, se libérer du connu comme le dit Khrisnamurti.
Dans la tradition de la Kabbale hébraïque, l’humain pour devenir Humain et incarner la Conscience doit passer différentes étapes qui sont comme des matrices. Il doit passer de la matrice de l’eau, dans le ventre, la matrice du feu au niveau de la poitrine, puis la matrice du crâne, qui reste encore mystérieuse, le passage vers la Présence Lumière, symbolique du siège du divin dans le corps. On ne meurt pas, on trépasse : on passe trois fois disent les alchimistes. 3 passages initiatiques pour sortir de notre ombre et la transformer.
Ces étapes nous décrivent finalement les étapes de notre chemin d’incarnation, d’entrer dans notre chair, notre terre, notre humus, ce moi-peau-psychique pour
sortir des eaux tumultueuses, libérer et transformer les énergies qui nous tire hors de nous-même, que l’on peut rapprocher de nos instincts de survie, animal dans sa face sombre, et dégager l’espace pour nous élever vers l’échelon supérieur, accéder à notre inné, notre vraie nature, sans rejeter ni dénigrer d’où nous venons et nous compose.
Plus on cultive la présence en soi, plus on accède à des niveaux de conscience plus élevés, à d’autres plans d’informations plus subtiles. Nous subissons moins les
effets de notre inconscient individuel et collectif, et de ce qui se joue autour de nous. Nous devenons qui nous sommes vraiment et non l’ombre de nous-mêmes. Nous devenons la cause et non plus les effets de ce qui nous anime.
Nous devenons conscient que nous sommes conscient et nous nous relions à la Conscience – Présence immatérielle qui peut recevoir toutes les informations. Nous
devenons créateur de notre histoire, de notre identité et sortons des identités construites de toutes pièces par les identifications fantasmatiques et introjections, de notre réalité et co-créons notre Univers avec cette Conscience universelle qui fait l’expérience de la conscience à travers sa création.
« Ceux qui deviennent conscient de leur conditionnement saisissent tout le champ de leur conscience, lequel est celui où fonctionne la pensée et où existe l’ensemble des rapports et des relations. »
Krisnamurti – Se Libérer du connu
C’est le triomphe de la conscience sur les interdits, les poids des passés et les pulsions de mort pour être vivant et devenir un véritable Etre Humain.
« Tout l’univers est contenu dans un seul être humain : toi.
Tout ce que tu vois autour de toi, y compris les choses que tu n’aimes guère, y compris les gens que tu méprises ou détestes, est présent en toi à divers degrés.
Ne cherche donc pas non plus Chaytan (Satan) hors de toi. Le diable n’est pas une force extraordinaire (extérieure invisible) qui t’attaque du dehors. C’est une voix ordinaire en toi, ton côté sombre.
Si tu parviens à te connaitre totalement, si tu peux affronter honnêtement et durement à la fois tes côtés sombres et tes côtés lumineux, tu arriveras à une forme suprême de conscience. Quand une personne se connait, elle connait Dieu. »
Rûmi