Description Au-delà des apparences Erysichthon, fils d’un roi de Thessalie, commit le sacrilège d’abattre des arbres dans un bois consacré à Déméter, déesse de l’agriculture, du blé, des moissons. Elle le supplia d’arrêter. Erysichthon passa outre cette demande. Déméter pour le punir de son délit, le condamna à souffrir à la faim perpétuelle. Les parents d’Erysichthon ne pouvant plus subvenir à sa demande incessante de nourriture le renvoyèrent. Sa fille ne supportant pas de voir son père souffrir, décida de se vendre comme esclave. Hélas rien ne suffisait ! Il finit par s’auto dévorer. Au 21ème siècle, l’individu est confronté aux injonctions paradoxales de la société occidentale qui attend de lui qu’il ait les moyens de consommer, tout en le culpabilisant de polluer en surconsommant. Le sentiment de toute puissance de la satisfaction à la consommation immédiate flirte avec l’impuissance de stopper la surproduction. L’omniprésence dans les médias de devoir briller, être disponible, performant, et surtout de ne renoncer à rien à travers une communication et un marketing aiguisé, créé une souffrance identitaire chez de nombreux sujets. Erysichthon, fils d’un roi de Thessalie, commit le sacrilège d’abattre des arbres dans un bois consacré à Déméter, déesse de l’agriculture, du blé, des moissons. Elle le supplia d’arrêter. Erysichthon passa outre cette demande. Déméter pour le punir de son délit, le condamna à souffrir à la faim perpétuelle. Les parents d’Erysichthon ne pouvant plus subvenir à sa demande incessante de nourriture le renvoyèrent. Sa fille ne supportant pas de voir son père souffrir, décida de se vendre comme esclave. Hélas rien ne suffisait ! Il finit par s’auto dévorer. Au 21ème siècle, l’individu est confronté aux injonctions paradoxales de la société occidentale qui attend de lui qu’il ait les moyens de consommer, tout en le culpabilisant de polluer en surconsommant. Le sentiment de toute puissance de la satisfaction à la consommation immédiate flirte avec l’impuissance de stopper la surproduction. L’omniprésence dans les médias de devoir briller, être disponible, performant, et surtout de ne renoncer à rien à travers une communication et un marketing aiguisé, créé une souffrance identitaire chez de nombreux sujets. Titre de partie Auteur/Autrice – Role Site internet
Le champ des possibles
Article Le champ des possibles « 2023 ouvrira le champ des possibles » Comme chaque année un credo, un leitmotiv, qui se construit tranquillement à partir de novembre, ne se met en mots qu’aux premiers jours de janvier ou parfois des semaines avant le 1er de l’an. Comme un puzzle dont les pièces intègrent la boite au fur et à mesure des images, des impressions, des associations qui me traversent, et qui d’un coup s’assemblent sans même me prévenir pour m’imposer une phrase, une intention : le credo de l’année. » 2023 ouvrira le champ des possibles. » Il y en a eu des possibles cette année plus surprenants les uns que les autres, certains destructeurs, certains salvateurs, certains légers comme le vent qui porte et d’autres lourds comme les larmes qui coulent. Je parlerai ici d’un possible salvateur : la psychanalyse. Plutôt humble et accueillante face aux évènements amenés par la vie, je m’étais dit en faisant le choix de quitter un poste et plus encore, une profession dans laquelle je m’épanouissais, qu’il me faudrait un petit temps de convalescence (que j’avais estimé à 3-4 mois) pour lancer ma nouvelle activité dans la nouvelle orientation professionnelle que j’avais choisie. Quelle bonne farce je me suis faite ! Cela était sans compter sur ma capacité à inscrire dans mon corps les tourments que je laissais derrière moi en actant mon départ, en faisant certains choix. Tant et si bien que la convalescence évaluée à 3 mois s’est transformée en une somatisation progressive avec le choc d’une annonce alarmante concernant mon état de santé 5 mois après avoir quitté mon emploi. Alarmante, oui comme une sirène hurlante, car avec les années mon corps et moi avons échangé à tellement de reprises qu’il s’est dit d’y aller suffisamment fort d’un coup, histoire que je ne passe pas à côté de l’essentiel. Merci à toi, mon corps ! Quand le médecin, de nature plutôt confiante, me suggère vivement de passer une IRM, me décrit ce qui s’inscrit en moi, la loi des associations fait son œuvre : c’est donc de là que je n’arrive pas à m’extirper, de ce marasme que j’ai quitté, pour mieux qu’il s’installe en moi. Ah ça, non ! Le corps parlant Le corps parle, mon corps parle et je l’entends, je l’écoute, mais que faire. Entrer en action comme je le fais toujours, j’ai bien quelque chose en tête mais à le faire une autre chose me dit que ce n’est pas forcément cela qui doit être fait. Je vais au rendez-vous prévu chez le psychanalyste avec tout ça dans mon sac. J’ai tous les éléments, et je cogne là où habituellement je laisse venir les solutions, je me cogne à moi. Et là, le psychanalyste, avec son savoir-faire, me fait vivre une abréaction. A ceux qui ne connaissent pas, c’est une sensation à la fois physique et psychique qui s’apparente à une forme de délivrance. A ceux qui connaissent : vous voyez de quoi je parle. Bon …, sur le moment ce n’était pas léger, c’était plutôt le poids de l’évidence : la tête lourde, un substrat à la fois dense et impalpable qui fait son œuvre dans mon cerveau. Je m’arrête là, je suis stoppée. Ecouter la musique, rouler en voiture, mais pour aller où, … décrocher le téléphone, il n’y a que cela à faire. « Bonjour, j’appelle sur les conseils de mon psychanalyste ; il me suggère de m’inscrire à la formation proposée par IPHI ». « Venez ce soir, c’est justement le groupe qui a commencé en février ». Deuxième appel : « Tu peux t’occuper des enfants ce soir, je dois assister à un cours ». Tout s’organise pour que cela se fasse. J’y vais, je dis bonjour, je m’assois, et là je me rends compte que ça faisait bien longtemps que je ne m’étais pas sentie à ma place : je suis juste là où je dois être. Au sortir du cours, c’est comme un poids en moins, un dénouement en bas du ventre. Un truc incroyable : je suis en mesure de sentir le marasme se désenchevêtrer. Une ode à la liberté Le lendemain, je monte au grenier, je trie, je garde, je jette, je réserve pour l’un ou pour l’autre, et j’appelle. « Je souhaite m’inscrire dans le cursus que vous proposez ». Quelques semaines après, je vais au centre d’imagerie pour l’IRM. Je suis légère, avec toutefois un doute : « Ma pauvre fille, tu n’as plus mal, tu sens qu’il n’y a plus rien, mais tu peux tomber de haut à l’annonce des résultats ». Et les résultats sont là : toutes les parties sont saines (saines et sauves !). Envoi au médecin, appel au médecin : « Totalement improbable, incroyable aux vues des résultats de l’examen, il y a un mois, clichés à l’appui. » Je lui raconte ce que cet examen a provoqué chez moi : l’association d’idées, la séance chez le psychanalyste, l’engagement dans la formation, et la disparition rapide des premiers symptômes, puis des autres. « Je suis en fin de carrière vous le savez, j’en ai vu des choses, et je crois profondément à ce que vous me racontez, au lien entre le corps, l’âme et l’Esprit. Continuez. » La singularité de chaque chemin est une ode à la liberté. C’est là le récit de l’entrée en formation d’une élève analyste. Quel est le vôtre ? Bénédicte LEGENDRE, Elève analyste
Un voyage initiatique au cœur des banalités de la haine et de l’amour
Article Un voyage initiatique … Un voyage initiatique au cœur des banalités de la haine et de l’amour Voilà un drôle de titre ! Les banalités de la haine et de l’amour. Deux notions vastes qui peuvent être attrapées par différents points de vue. Mais quel est mon désir derrière cet écrit ? Un voyage initiatique ? N’est-ce pas cela que nous effectuons durant une cure analytique ? L’initiation, n’est-ce pas des passages ? Mais là, je suis seule face à ces moyes. Quel joli lapsus ! Moye à la place de mot. Moye qui signifie « un morceau doux d’une pierre dure ». Cette union entre la dureté qui s’enchaine avec les mots comme pour écrire une histoire, et cette douceur que l’espace vide laisse jaillir. Attachée à des banalités, ma réflexion prend sa source. Elle émerge du plus profond de mon océan, espace d’expériences multiples dans lequel chaque goutte de pluie est venue m’enrichir. Difficile de nommer son désir, il est inaccessible mais il nous fait avancer, dépasser les épreuves et grandir chaque jour un peu plus. Lacan nous l’a démontré, le désir est issu de cette béance entre un besoin et une demande. Alors, je peux peut-être nommer ceci : mon besoin, sortir de ce mal. Mais de quel mal je parle ? Celui qui renvoie au fait d’agir « d’une manière contraire à la loi morale, à la vertu, au bien », et qui emprisonne « Tout homme qui jouit d’une prospérité mal acquise et qui a fait un pacte avec l’Esprit des Ténèbres, et légué son âme aux enfers. »[1] Ne disons-nous pas, lorsque nous vivons un conflit ou un évènement traumatique « je vis un enfer » comme si qu’un diable tirait les ficelles. Ce diable qui « au IVe siècle avant J.-C., dans la traduction grecque de la Bible, le terme Satan fut remplacé par diabolos, qui signifie « celui qui s’oppose, qui sépare » ou « celui qui est jeté à travers, qui fait obstacle »[2]. Donc ce mal qui nous clive. Paradoxalement, il est appelé aussi Lucifer, « nom latin signifiant « porteur de lumière », composé de « lux(lumière) » et « ferre (porter) », qui désigne une entité mythologique. »[3]Donc ce mal qui dévoile. Dévoile quoi ? Ces situations vécues comme venant d’un fait extérieur ? Ne seraient-elles pas là pour nous aider à voir et dépasser nos propres limites et sortir de nos enfer-me-ments ? Ou s’agit-il de celui qui représente cet « Être vivant organisé pour féconder, dans l’acte de la génération. Individu du sexe masculin, par opposition à la femme. Homme vigoureux, moralement ou physiquement, en particulier caractérisé par la puissance sexuelle. »[4] De quoi je parle, du pénis ou du phallus ? Il est certain, cette démarche que j’entreprends m’interpelle sur une réalité dans laquelle j’ai été sous emprise et où j’observe beaucoup de personnes engluées dedans. Celle de la banalité. Terme issu de l’assujettissement en 1550, par « le droit du seigneur d’assujettir ses vassaux », pour devenir en 1793 le « caractère de ce qui est banal, commun, vulgaire »[5], et qu’elle fut ma surprise de découvrir l’usage de ce terme dans les chemins de fer. « Le régime de banalité dans le domaine ferroviaire est le fait que n’importe quelle équipe de conduite peut conduire n’importe quelle locomotive.[6] » Là, je comprends le titre de l’ouvrage d’Hannah ARENDT, « La banalité du mal. » Je me suis appuyé sur les travaux de cette dernière, repris par Martine LEIBOVICI [7], qui présente la banalité du mal comme « une non-réflexion sur le sens de ce qui arrive aux autres et ce que je fais. Un refus de revenir à la signification de ce que je fais. Les formulations utilisées éloignent de la réalité. » Cette présentation est intéressante car elle fait entendre que cette banalité du mal s’inscrit dans les relations interpersonnelles dysfonctionnelles. Des interactions dans lesquelles se met en place une inversion de la morale, une disparition de la loi, une identification, voire une fanatisation à un autre, une perte de soi dans ce dernier. Hannah ARENDT évoque dans ce processus l’importance du langage, de l’appropriation d’un vocabulaire qui aliène la personne, la clive d’elle-même. Pénis, phallus, assujettissement, absence de sens et de loi, perte du moi, aliénation, clivage ? J’espère que vous n’avez pas envie de fuir et jeter ces mots à la poubelle. Je vous invite, ensemble à trouver notre courage pour découvrir ce qu’i se cache derrière tout cela. Vous me suivez ? Plongée en profondeur Assez fière de la bonne élève que je crois être, me voilà partie à la conquête de la rationalisation. Vous savez ce mécanisme de protection qui consiste à être dans la « justification logique, mais artificielle qui camoufle, à l’insu de celui qui l’utilise, les vrais motifs (irrationnels et inconscients) de certains de ses jugements, de ses conduites, de ses sentiments, car ces motifs véritables ne pourraient être reconnus sans anxiété. »[8] Waouh ! J’en ai des frissons ! Qu’est-ce qu’il se cache dans mes profondeurs ? De cette volonté de rationalisation, pointe son nez à la surface de l’océan, l’intellectualisation, sa petite sœur. Celle qui a recours à « l’abstraction et à la généralisation face à une situation conflictuelle qui angoisserait trop le sujet s’il reconnaissait y être personnellement impliqué. » M… alors ! Je suis vraiment malade ! Ce besoin de compréhension est vraiment là. Comprendre comment nous – désolée, je vous emmène avec moi – arrivons à être sous emprise de cette banalité du mal ! « Pour R. DOREY (1981), la relation d’emprise se découpe en quatre séquences distinctes : appropriation, dépossession, domination, soumission. De façon plus ou moins explicite, plus ou moins avouée, le but visé par cette manœuvre est la neutralisation du désir d’autrui et l’abolition de l’altérité, soit par la séduction, soit par la force. »[9] Je plonge un peu plus dans les profondeurs, grâce à la lecture psychanalytique qui apporte une perception plus subtile de ce processus d’aliénation. Oui, je l’ai lâché le mot qui fait peur : « être aliéné ». Françoise DAVOINE[10] dans sa pratique psychanalytique, explique l’impossibilité pour les personnes qui crée cette emprise, d’accéder au registre symbolique. « Cette altérité meurtrière pour qui l’autre n’existe pas rend inopérante la neutralité bienveillante avec échos signifiants du désir refoulé. Car aucun autre ne répond à l’appel lorsque s’écroule le registre symbolique. Un écroulement qu’Arendt appelle « moral collapse », où les gens
Association Libre
Article Association Libre » Ce qui justifie cette règle, c’est que la vérité précisément ne se dit pas par un sujet, mais se souffre. » Jacques LACAN Titre de partie L’Epreuve, Les Preuves. L’Eprouvé, Les Prouvés. Feu, Brasier de la Vie. Chaos, Rencontrer le désordre, Traverser le désordre. Se tordre, Se mordre, Mordre, Mort. Eteindre, Atteindre, Atteindre la racine du désordre. La sentir, L’affranchir, La franchir, Aller au-delà, La traverser, La transpercer, Transmuter, Muter, Mutante, Transformer, Créer ma forme, Créer ma voix. Passer l’espace étroit de cette aiguiller, celle de la Vie, Ce trou, L’union, réunit les preuves éprouvées. Je dépasse, Je vais au-delà, plus loin, plus haut, plus grand. De ma folie nait une profonde sagesse ancestrale, Celle des ancêtres de tous les règnes. De mes antennes de vigie nait l’extra ordinaire, La connaissance sensible de l’invisible. De la dissociation, puissant mécanisme, nait un os creux, Qui épuré, laisse passer la puissance de la Vie, ses formes, ses sons, sa fréquence qui transe et perce, qui dévoile, qui guérit… Je suis la Vie ! Myriam MARCET-PRETTE, Psychanalyste Humaniste Initiatique Site internet
L’ENGAGEMENT du psychanalyste
Article L’ENGAGEMENT du psychanalyste Un mouvement créateur, actif, au service de la pulsion de vie Titre de partie L’acte de naissance représente un engagement, ainsi, ce mouvement de naissance lorsque la tête de l’enfant paraît, se répète chaque jour, à chaque direction, décision, libération, voyage. Cependant, comme il s’agit d’un traumatisme (Réf. : Le traumatisme de la naissance d’Otto Rank, psychanalyste), il se doit d’être transformé, sublimé, afin qu’il soit utilisé comme un mouvement créateur, actif, au service de la pulsion de vie, pour libérer, assumer sa singularité, son unicité, son inné. Ainsi, comme l’écrit Donald Winnicott, psychanalyste : « si « Le sentiment de continuité d’être est acquis… la capacité d’être seule repose sur un paradoxe : être seul en présence d’un autre… C’est le signe d’une maturité psychoaffective ». Encore faut-il comme le précise Donald Winnicott, que le nourrisson puis l’enfant s’engage par le « Je », puis qu’il s’engage par le « Je suis », puis qu’il s’engage dans le temps par le « Je suis seul » qui lui permettra dans sa vie, de se réaliser, de s’engager pour lui-même et avec les autres. Plus le psychanalyste s’engage, avec une méthode et une méthodologie, plus il stimule son patient à s’engager lui-même. L’engagement du psychanalyste « passe » par « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du je, telle qu’elle nous est révélée dans l’expérience psychanalytique » en référence à l’article de jacques Lacan, psychanalyste. C’est Donald Winnicott dans « Jeu et réalité » qui insiste sur le fait que le bébé lorsqu’il tourne son regard vers le visage de la mère, se voit lui-même. En d’autres termes, la mère regarde le bébé et ce que son visage exprime est en relation directe avec ce qu’elle voit. Ainsi, si le bébé ne reçoit pas en retour ce que lui-même est en train de donner, s’il regarde mais ne se voit pas, ses capacités créatrices et les échanges significatifs ne seront pas suffisamment stimulés donc stimulants. Ainsi, plus le psychanalyste va s’engager dans le miroir avec son analysant, plus celui-ci « trouvera son propre soi et sera capable d’exister et de se sentir réel. Se sentir réel, c’est plus qu’exister, c’est trouver un moyen d’exister soi-même… ». Le thérapeute met à la disposition du patient son appareil psychique En fait, le psychanalyste va utiliser son « Moi auxiliaire », qui est un principe décrit par W. R. Bion, psychanalyste, en 1967. Le thérapeute met à la disposition du patient son appareil psychique, pour le soutenir dans un travail d’intégration, de mise en lien, de symbolisation, de prise de conscience, d’élaboration psychique. André Green, psychanalyste, propose que « l’autre doit devenir un Moi Auxiliaire, pour pouvoir me soutenir ». La transformation, la sublimation, le rétablissement, se fait par le biais du transfert, et du contre-transfert, d’une communication non biaisée avec l’autre, qui permet une restructuration. Le psychanalyste accepte d’être pour un temps le Moi-auxiliaire que le patient n’a pas eu, afin de lui détoxiquer son vécu. Engager les professionnel(le)s à verbaliser ce que cette situation leur renvoie en miroir En supervision, écouter, recevoir la détresse des professionnel(le)s qui accueillent la souffrance de ceux qu’elles/ils accompagnent est fondamentale pour qu’à leur tour, ils/elles puissent symboliser, transformer ces décharges pulsionnelles destructrices en capacité d’élaboration et de mises en sens. Une éducatrice de jeune enfant pleure son sentiment d’impuissance face à la passivité de parents porteurs de handicap dans l’accompagnement de leur enfant. Engager les professionnel(le)s à verbaliser ce que cette situation leur renvoie en miroir, comme exaspération, colère, inquiétude, injustice, les aide à supporter « l’insupportable » : « Est-ce que ma posture est suffisamment bonne ? », « Je suis déçu de quoi ? », « Et si j’étais l’enfant ? », « Comment les parents ne voient-ils pas ? », « A quoi bon, continuer à proposer des postures éducatives ? ». A ce moment-là, nous pouvons engager / souligner le « bon narcissisme », en supervision, j’invite alors, les autres professionnel(le)s à rappeler les évolutions notées chez cet enfant depuis leur prise en charge, ainsi que chez les parents. Ceux-ci ont accepté que l’enfant aille en crèche, ils jouent plus souvent avec lui… L’équipe professionnelle continue de s’engager, lorsqu’on s’engage, si l’on s’aime suffisamment, si l’on prend suffisamment soin de soi, notre posture professionnelle sera d’autant plus contenante, comme l’écrit Anne Dufourmantelle, psychanalyste, dans son ouvrage : « La puissance de la douceur » : « La douceur est un rapport au temps qui trouve dans la pulsation même du présent la sensation d’un futur et d’un passé réconcilier, c’est-à-dire d’un temps non divisé. Ce temps réconcilié permet la vie, et aide à lâcher les compulsions de répétition ». Elle ajoute : « Dans son écoute, le psychanalyste essaie d’aller à la rencontre de ce qui ne se dira pas, d’entendre dans les hésitations, l’émotion qui retient d’autres mots interdits, effacés ». C’est à ce niveau que Donald Winnicott élabore sa conception vraiment novatrice et originale du contre-transfert : « Le patient active chez l’analyste des motions pulsionnelles qui ne sont pas seulement un résidu non analysé qui viendrait gêner le travail analytique, qui ne sont pas non plus seulement le dépôt des identifications projectives déposées dans l’analyste par le patient ». Donald Winnicott parle de la relation de fusion narcissique nécessaire entre le patient régressé et son analyste. Cet état permettrait donc une fusion primitive archaïque avec l’inconscient lui-même dans la relation analytique, ce serait à ce moment-là le travail spécifique dévolu à l’analyste de construire quelque chose à partir de ses mouvements contre-transférentiels. Il s’agit de l’élaboration d’une aire de travail en commun, l’analyste doit savoir attendre le moment où son patient aura atteint une maturation suffisante lui permettant d’intégrer ce qu’il n’a pas pu encore vivre pour son propre compte, ce dont il ne peut avoir conscience et qui ne viendra au jour que par ce passage obligé du contre-transfert de son analyste. C’est parce que l’analyste pourra les accueillir en lui, les reconnaître, les analyser pour son propre compte et les vivre authentiquement avant de les restituer au patient que le travail analytique aura des chances de pouvoir aboutir à un travail mutatif véritable. Le psychanalyste cultive sa position juste, mature ou génitale, c’est-à-dire qu’il n’agresse pas l’autre, qu’il n’utilise pas de rapport dominant-dominé, qu’il
Psychanalyse et Apnée
Article Psychanalyse et Apnée « Il n’y a de signifiant que de ce que dans la langue provient du corps » Jacques Lacan. En reliant la psychanalyse avec la pratique de l’apnée, je fais l’hypothèse que la régression thalassale peut être utilisée comme une tentative de rencontre avec soi. Je propose alors au sujet, dans une unité régressive, de venir travailler la division signifiante en réactualisant la coupure fondatrice. L’idée étant d’accompagner le travail de remémoration du passé refoulé et le travail sur les résistances présentes à cette remémoration. A l’origine, l’apnée vient du mot Apnoia qui, en grec, signifie absence d’air, absence de souffle. Il me paraissait évident, qu’en abordant la pratique de l’apnée, il était incontournable de penser la notion d’immersion. Omniprésente dans les discours contemporains, elle rend compte d’individus entièrement pris dans leur activité, inclus, couplés, absorbés, totalement à un milieu, qu’il soit aquatique ou non. Ainsi, le plongeur s’immerge dans le milieu aquatique, le pianiste est immergé dans la musique qu’il produit, l’ethnologue immergé dans le terrain qu’il explore, etc… L’immersion aquatique n’est pas submersion aquatique, mais elle peut le devenir. Dans les sociétés anciennes, l’immersion aquatique fut longtemps associée à une symbolique initiatique ou purificatrice : saut dans la mer chez les grecs, immersion prolongée chez les Bantous à la suite de laquelle le jeune homme renaît et peut apprendre la divination. Dans la religion chrétienne, le baptême est une ablution purificatrice et initiatrice, permettant d’accéder à la régénérescence. Quant au baptême par immersion, il est répétition rituelle du déluge. Dans toutes les religions, l’immersion aquatique symbolise la régression dans le pré-formel et la réintégration dans le monde indifférencié de la préexistence. Mihaly Csikszentmihalyi, le psychologue qui a élaboré le concept du flow, nous dit que : « les meilleurs moments de notre vie ne sont pas les moments passifs, réceptifs et relaxants. Les meilleurs moments se produisent généralement quand le corps et l’esprit d’une personne sont poussés à leurs limites dans un effort volontaire afin d’accomplir quelque chose de difficile qui en vaut la peine ».Avec le commandant Cousteau, « l’homme retourne à la mer », le poumon est devenu aquatique et l’homme en passe de devenir un poisson, comme le rappelle la plupart des pionniers ravis de se fondre dans ce milieu où ils meuvent horizontalement avec des nageoires aux pieds et les yeux grands ouverts. Dans son premier film « Par dix-huit mètres de fond », en 1942, il évoque « une mer accueillante pour ceux qui la connaissent » et qui « nous lave de nos soucis, comme elle nous débarrasse de l’apesanteur ».Alain Corbin, historien français, parle plutôt de « délectation, de modèles de contemplation ou de confrontation ; en ce lieu où la respiration s’accorde à celle de l’Univers, où se déploient librement les fantasmes… ».Ainsi, d’un point de vue clinique, la métaphore de l’apnée ouvre un espace de retour à la division signifiante avec un corps pris comme opérateur de la coupure fondatrice. A travers le corps du plongeur soumis aux résistances de la pression exercée par l’eau, le Grand Autre qui constitue ici l’altérité radicale, va nous permettre de travailler et de faire travailler ce qui est soi et ce qui est perçu d’autrui, qui n’est pas soi… La séance analytique consisterait alors à « utiliser » le fantasme de la remontée à l’avant-trauma, à l’avant naissance, pour réinvestir la coupure fondatrice du sujet barré par une plus grande « conscientisation deson ex-distance ».Il s’agit de saisir ce « temps » non pas comme une négation de la coupure fondatrice mais plutôt comme une façon de la faire évoluer vers une plus grande individuation, une identité de moins en moins fantasmé.J’en reviens à un concept essentiel pour moi qui serait que la contrainte de la contrainte serait un plus de libertés pour le sujet.Selon le travail présenté en amont, la technique de l’apnée nous invite à prendre une dernière inspiration avant de plonger dans les profondeurs [de l’inconscient]. Par un mouvement de retournement, on s’engage « tête la première » vers la descente. Les premières douleurs apparaissent alors au niveau des oreilles et de la cage thoracique. La pression se fait de plus en plus sentir… En dessous des trente mètres, il n’y a plus de gravité, c’est la phase dite de la « chute libre ». Le plongeur [cosmique ?] descend ainsi sans effort vers le trésor des signifiants, le lieu où se constitue le sujet comme effet du signifiant. Il remonte au cours de la descente vers l’origine du corps, là où les poumons se compriment avec la pression de l’eau pour se retrouver seul dans le froid et le noir absolu. Les sons passent encore. C’est d’ailleurs la seule chose qui nous relie à l’extérieur et à l’environnement. On peut évoquer à ce niveau la narcose et l’ivresse des profondeurs. Le plongeur doit faire ici le choix de quitter cet état de bien-être délirant pour commencer à souffrir pendant la remontée. En débutant sa descente, il a 12 litres d’air dans les poumons. En arrivant à ce niveau de profondeur, il n’a plus qu’un demi litre. Les spasmes, le corps réclament de l’air… c’est paradoxal mais c’est en acceptant cette douleur qu’elle se fait moins présente. Ici, le plongeur se cogne au Réel, il se heurte au poids de la résistance de l’eau. Au fil de la remontée, la cage thoracique reprend progressivement sa place et une fois en haut, le plongeur peut prendre une première nouvelle inspiration.Pour conclure, les métaphores de l’apnée et du plongeur cosmique peuvent être utilisées pour transmuter un processus régressif en passant par les mouvements contraints du corps pour aboutir à une renaissance à soi, à une ex-distance plus éclairée… PS : la représentation que fait Marc Chagall de l’épisode du Déluge (1961-1966) avec les eaux diluviennes qui semblent avoir envahi la toile et l’Arche, dans une atmosphère vaporeuse, devient la matrice où s’opère la seconde naissance de l’humanité. Le Déluge détruit en effet que ce qui est
Roue de médecine ou l’alliance nouvelle d’Eros et Thanatos
Article Roue de médecine ou l’alliance d’Eros et Thanatos La peau de mon tambour renouvelée et à nouveau bien tendue, le son sort quelque peu transformé… Ainsi en est-il dans mon Moi qui se transforme, sublime quelque chose, et se relie à l’Autre. Un peu plus loin, un peu plus haut, un peu plus fort… L’intrication des pulsions de mort et de vie, Eros qui canalise Thanatos. Ne serait-ce pas ce mouvement décrit dans la métaphysique, le Substrat de conscience, la Pulsion de Vie, ce Grand Autre qui traverse le chaos de la matière dans toutes ses strates invisibles et visibles pour transformer sa propre création, la polir en mouvement rétroactif… comme un vase sur un tour… ? L’observation patiente et silencieuse de ce qui est créé pour l’assouplir, l’affiner, la sublimer encore et en corps… Le silence est une parole dont le langage est subtil… Quand nous, humains, aurons réuni nos opposés et créer une nouvelle alliance, quand nous aurons intégré que nous sommes certes un dans l’Un mais qu’il est nécessaire et fondamental d’être Deux pour le connaitre et que ce Deux engendre Trois, la trinité de l’Être de la tradition primordiale, un chemin d’individuation que les peuples natifs d’Amérique du Nord symbolise par la roue de médecine dont l’axe central est l’Humain, issu de la Terre dont il défusionne par le Ciel qui le redresse et ainsi mieux se relier à la Terre et au Ciel, debout, responsable et manifestant la Conscience ou le Grand Esprit dans l’âme à tiers, alors nous aurons accompli l’inaccompli. Nous sommes en chemin. Myriam MARCET-PRETTE, Psychanalyste Humaniste Initiatique
La conscience ordinaire ou un état modifié de la Conscience
Article La conscience ordinaire ou un état modifié de la Conscience Ce sujet fascinant et complexe en même temps. Il y a tant à dire. Et notre cheminement d’humain n’en ait qu’au balbutiement, ou tout du moins à un passage clef de notre évolution. Depuis longtemps déjà, je m’interroge lorsque nous parlons d’état modifié de conscience. De quelle conscience parlons-nous ? Qu’est-ce qui est modifié au juste ? Des pratiques diverses nous montrent qu’en élargissant notre état de conscience du quotidien, nous accédons à un champ d’informations qui dépassent celui à notre portée d’ordinaire. Certains chercheurs des sciences contemporaines évoquent peu à peu que la conscience humaine est bien plus vaste que nous ne l’imaginons. Et par là, confirment ce que les traditions spirituelles dans toutes les cultures évoquent depuis des millénaires. « La physique de la conscience montre que grâce au progrès de la physique moderne, une nouvelle vision du monde […] s’impose en permettant à l’humain de retrouver l’immense potentiel de sa conscience » Philippe GUILLEMANT – Le Grand Virage de l’Humanité Ce sujet touche la nature profonde de notre Etre et de l’Univers, une dimension qui dépasse la dimension matérielle tout en l’intégrant. Il pose la question de ce pour quoi nous sommes là… et invite à un changement de paradigme pour tendre vers notre véritable nature. Quand la science rejoint la spiritualité… Notre société occidentale et les sciences classiques a mis longtemps l’accent sur la dimension matérialiste appréhendant notre Etre que comme une mécanique biologique complexe dans laquelle l’activité neuronale génèrerait la conscience. Or nous savons aujourd’hui par de nombreuses observations et études cliniques que la conscience peut fonctionner indépendamment du cerveau et de la matière : les expériences de mort imminentes notamment… Donc quelque chose est déjà là, présent, immatérielle, qui nous anime et reste au-delà de notre temporalité et de la matière. Aujourd’hui les sciences quantiques et l’épigénétique sont en train de démontrer qu’une forme subtile de Conscience, la conscience cosmique ou intelligence cosmique, est à l’œuvre dans l’Univers, immatérielle, non manifestée et à l’origine de tout ce qui se manifeste. Pour ces nouvelles théories, rien n’est solide dans l’univers et que toute particule vivante est d’abord et avant tout information et vibrations. Elles démontrent que l’information précède la matière. Cette conscience cosmique véhicule son information par vibrations pour prendre forme et se transforme de manière fractale de l’infiniment petit à l’infiniment grand. C’est la Conscience qui informe la matière. La matière est donc la forme densifiée de l’information et de ce fait de la Conscience. Par ailleurs, ces théories démontrent que tout est interconnecté à l’échelle de l’Univers jusque dans toutes les plus petites particules du vivant manifesté. Et que la matière nait du processus de boucle rétroactive (qui a une action sur le passé) de l’information donc de la Conscience, ou de retour sur soi de l’information pour se tranformer et se manifester… « au final, c’est quoi la conscience ? C’est un processus de connaissance de soi, une capacité de faire un retour sur soi-même. C’est donc un processus de boucle rétroactive de l’information. Et mes découvertes montrent que la matière nait fondamentalement de ce mouvement rétroactif de l’information. A partir de là, l’univers interconnecté et conscient, fabrique de la complexité et finalement l’humanité. » Nassim HARAMEIN – Entretien sur INREES Enfin, elles rejoignent ce que les traditions évoquent, notamment au travers des textes védiques, que nous, humains, sommes une part et partie prenante de cette Conscience Cosmique. Nos pensées, nos états d’âmes, notre façon d’agir, d’être sont autant d’informations vibratoires que nous émettons dans notre univers de l’intérieur vers l’extérieur influençant notre environnement immédiat au plus lointain : l’épigénétique le démontre avec l’impact de ces informations sur notre ADN. La conscience, c’est la connaissance Comment la définir sans la réduire puisque nous touchons une dimension impalpable, immatérielle qui s’inscrit à la fois dans notre espace – temps et tout en même temps hors de tout espace – temps, dans lequel les lignes de l’espace et du temps se confondent et dans lequel le temps n’est plus linéaire : passé, présent et futur se confondent ? Sur le plan de l’étymologie, le mot conscience vient de conscientas, cum, avec et scientas, connaissance : avec la connaissance (Universalis) ou « conscience en commun » ou « claire connaissance qu’on a au fond de soi-même » (cf. CNTRL – centre national des ressources textuelles et lexicales). Le latin consciens signifie « qui sait avec soi-même », cum, avec et conscire, savoir. Intéressant ! Pour Henry EY, psychiatre et neurologue : « la conscience nous ouvre les portes de notre propre connaissance. » Nous naissons avec toute la connaissance L’Univers est en nous et nous sommes l’Univers selon les textes védiques. Nous portons en nous toute la mémoire de l’Univers. Celle de tous les règnes minéraux, végétaux, animaux et humains, l’histoire de l’humanité. Toutes les mémoires archétypales de l’humanité : nous sommes reliés aux symboles universels qui vont se manifester d’une manière subtile dans nos symptômes, dans nos rêves ou dans des états élargis de conscience… Toutes les informations récoltées des incarnations antérieures, des initiations de notre âme comme le montrent les travaux de recherche notamment de Ian Stevenson, Psychiatre. Et la mémoire des phénomènes telluriques et cosmiques, astronomiques, ainsi que tout le champ informationnel cosmique. Jung et Grof en parlent dans leurs travaux. Nous naissons avec toute la connaissance. Notre corps en garde la mémoire physiologique et subtile. Mais nous oublions. Cela ne nous positionne pas au-dessus de mêlée. Cela nous donne une responsabilité individuelle et collective : c’est-à-dire la capacité à apporter des réponses – response able. Notre origine et notre vocation L’approche matérialiste occulte et nous coupe ainsi toutes les dimensions plus subtiles, non palpables avec nos organes sensoriels physiques, de notre être et de ce qui nous entoure. A l’image, me semble-t-il, de ce qui se joue en chacun de nous, dans notre conscience ordinaire. De quoi sommes-nous coupés ? Nous avons évincé la dimension spirituelle de notre univers et de notre psychisme humain. Nous avons oublié que nous sommes des êtres spirituels qui faisons l’expérience de la vie humaine, ombre et lumière, dans la matière.
L’énéide à ma façon
L’énéide à ma façon Je roule sur l’autoroute en pleine nuit et j’allume la radio. Je suis calée sur France inter. La voix d’un vieil homme retentit dans la voiture. J’entends une grande vieillesse, un petit côté lubrique, un désir fou de vivre et en même temps une capacité à être en contradiction totale et permanente, une érudition incroyable. Au fur et à mesure je comprends qu’il s’agit d’un hommage à Paul Veyne, un grand historien prolifique qui a connu l’amitié avec René Char et Michel Foucault. C’est sa dernière interview, Il parle de l’amour, du corps et explique qu’il a passé 6 mois à traduire l’Enéide de Virgile et que chaque vers de ce grand poème l’a traversé de beauté. Ce temps passé est pour lui d’une absolue utilité. Il est mort ce jour le 29 septembre 2022. Je suis là sur la route, à conduire, ramenée à ma propre histoire avec l’Enéide. J’ai 17 ans et je suis en terminale en section latin. Je passe mon temps en compagnie de mon énorme dictionnaire de version et je traduis l’Enéide. Méthodiquement, entre passion et souffrance. Je fais des commentaires composés fougueux sur la beauté du texte. Mes 17 ans sont voués à ce poème ! De ce travail énorme il ne me reste rien. Juste un seul vers : Dicitur homerum caecum fuisse « On dit qu’Homère fut aveugle ». Je garde une émotion, une sensation que je ne saurais décrire. Quand je dis cette phrase, je dis toute l’Enéide et je ne sais pas pourquoi ! c’est comme un rêve… 40 ans plus tard, je me demande tous les jours pourquoi j’ai refoulé ce travail, et pourquoi juste ce vers comme une enseigne lumineuse dans ma tête ? Il fait nuit, je circule comme dans un rêve sur l’autoroute et je loupe la sortie ! J’ai dû prendre la prochaine. J’ai mis une demi-heure de plus, mais c’est parfait car j’ai pu prendre de l’essence facilement. En arrivant au rond-point pour aller chez moi, dans le sens inverse d’où j’aurais dû venir, un camion est en travers de la route et des gendarmes arrêtent toutes les voitures. Moi, je passe tranquillement, protégée par Homère, Virgile et Enée, j’ai rallongé ma route mais elle fut tranquille. J’ai contourné l’Achéron. Valérie Périer – Psychanalyste humaniste initiatique
Réflexion nomade
Un carnet de voyage en Psychanalyse au 21eme siècle. Vendredi soir, 40 minutes d’aventure sur la route, en camping-car et en amoureux. Dans ce temps si court, j’ai vécu des émotions avec le sentiment de me perdre, la peur de tomber dans le fossé, de passer par-dessus le chemin, de frotter le toit sur les arbres, de m’enliser dans la terre, de ne pas pouvoir passer. Et puis on s’est garé, on a mis les cales parce que le terrain est en pente. On est toujours de travers et ce n’est pas bien grave. Raviolis bio en boite chauds, olives et vin rouge. On s’est laissés entourer par la nuit. Cette nuit de l’équinoxe d’automne. L’anniversaire de ce fils qui aurait eu 40 ans. La tragédie en creux… Que faire à part intensifier notre présence ? un tambour chamanique a soudain résonné et nous avons eu notre concert privé. Un gros chat noir et blanc est venu nous observer et se couchant à 2 m de nous. Intensité de l’œil qui voit la nuit. Plus tard, je t’ai regardé pleurer doucement. J’aurais voulu qu’il pleuve à ce moment-là. Samedi matin, posés sur ce terrain dans le hameau de St Paul en forêt. A 20 mn du brouhaha, le silence, la verdure et l’espace qui permet de détendre son esprit. Dans la cabane roulante, pelotonnée sous la couette en plume, je regarde les nuages de pluie et les contours des chênes verts. Les couleurs vibrent dans le gris du ciel. Les bruits de la pluie nous enveloppent. Entre l’humidité du ciel et l’aridité du sol qui boit, absorbe tout ce qu’il peut après ces longs mois de sécheresse. Douceur de l’eau de vie qui arrose goutte après goutte. Ce n’est pas l’épisode méditerranéen annoncé mais plutôt le réensemencement de la terre. Nous avons décidé de vivre cela au cœur de la nature. Protégés dans notre cabane mais arrosés de la pluie purificatrice. Après le mistral de la semaine dernière, la pluie tant désirée glisse autour de nous. Nous en appelons aux éléments pour nous nettoyer de la tristesse. Nous avons choisi de résister en devenant « nomades ». Résister c’est créer le rêve. C’est d’une attitude apophatique dont je parle. On ne peut faire référence aux choses importantes que par évitement, contournement. Comme si la jonction qui doit se faire entre rêve et réalité ne pouvait passer que par un chemin d’errance. On ne peut aller à la rencontre du rêve qu’en n’y allant pas. Les âmes errantes, les pauvres erres, l’errant, le vagabond, le clochard, errer sans but… Ce fantasme angoissant d’être juste là pour rien, sans aucun savoir. Mais ce faisant, c’est aussi accepter le surgissement des structures archétypales intemporelles et participer à l’élaboration de sa propre reconnaissance au monde. Michel Maffesoli dans « du nomadisme », nous parle de briser l’assignement à résidence exigée par le modernisme. Est-ce qu’on pourrait penser qu’aller au-delà du surmoi social participerait à l’évolution de l’inconscient collectif ? La mutation du monde ferait muter aussi la psychanalyse en faisant émerger le nouveau sujet, ré-acceptant la nécessaire errance, l’exil de soi-même. Etre nomade à l’intérieur de soi, c’est être humain partout. Aller chercher dans ses incertitudes, dans le non-établi, dans le non savoir, la quintessence de son élan vital. La période covid a fait voler en éclat le concept de mobilité. En assignant à résidence des millions de personnes, c’est bien sûr tout un pan de l’inconscient collectif qui a bougé. On nous a demandé de télé-travailler, en nous obligeant d’être à domicile et en fournissant même un justificatif d’assurance ! Le fantasme était encore de contrôler les salariés s’ils restaient chez eux. Nombre de salariés ont encore besoin de se dire que travailler c’est être aliéné à un lieu. « Le lieu de travail » comme le lieu de vie ou l’adresse fiscale. Là où c’est sûr, on peut nous trouver, nous vérifier. On sent que le mouvement de la grande démission où des milliers de personnes refusent l’étroitesse du cadre, se sentant en insécurité là où il y a peu de temps encore le slogan était « un CDI et un appart » comme aboutissement, ramène en première ligne le concept de pulsion d’errance. C’est un véritable retour du refoulé social auquel on assiste, qui se traduit par une mise en abime du concept du travail. La psychanalyse du 21eme siècle doit prendre en compte que l’aboutissement d’être libre « d’aimer et de travailler » ne veut plus dire la même chose qu’au siècle dernier. Ce qui nous intéresse dans l’errance, c’est ce paradoxe entre la manifestation d’un trajet pulsionnel qui dérive en inscrivant dans le mouvement la division du sujet, et un état fondamentalement humain, qui s’exprime dans la rêverie, le désir de voyage, la création artistique. L’errance est un sujet merveilleux à la frontière du normal et du pathologique. Ligne floue entre pulsion de vie et pulsion de mort. Est-ce qu’il faudrait comprendre que l’errance serait soit l’expression d’une profonde liberté, soit celle d’un vide existentiel infini ? C’est bien sûr au niveau du choix que l’on trouve la réponse. En tous les cas, nous voici devenus Co-errants par choix… Valérie Périer – Psychanalyste humaniste initiatique